LEONORA : PRISON COCON OU CHAMBRE NOIRE ?
Le 4ème film de Pablo TRAPERO dure presque 2 heures avec pour décor une prison pour femmes qui a cette particularité d'être réservée aux femmes enceintes qui attendent d'être jugées .
C'est un lieu d'enfermement différent de celui des hommes, avec cependant des attitudes de détenus (es) similaires ( violence, mutinerie, sexe). Comme le dit MARTINA GUSMAN (Julia) " ça reste un lieu terrifiant. On entend toujours des bruits de portes, des cadenas. La vue bute sans cesse sur des murs. L'horizon manque, les couleurs sont grises, les odeurs affadies. Tout ce que l'on touche est froid." une sorte de chambre noire. Mais, à part une minorité, la majorité des détenus (es), coupables ou innocents, aspirent " plutôt à vivre en paix et le mieux possible". La prison pour femmes se distingue de celui des hommes par les visiteurs ( trés peu d'hommes viennent rendre visite aux femmes alors que beaucoup de femmes vont visiter les leurs en prison). C'est sans doute cette solitude qui conduit les femmes - mères à instaurer une sorte d'assistance maternelle qui transforme ce lieu de détention en cocon garderie, dans laquelle on se passe les vêtemenst pour bébé, les jouets ,etc. Le temps pour profiter de leurs enfants leur est compté ( 2 à 4 ans maxi après la naissance).
TRAPEIRO oriente son film, non sur l'innocence ou la culpabilité de cette jeune mère incarnée par Martina GUSMAN mais sur sa façon de se comporter en tant que femme libre (elle se lie d'amitié avec une autre détenue) et en tant que mère qui se satisfait de cet emprisonnement du moment qu'elle peut profiter pleinement de la présence de son enfant même si elle redoute de le voir grandir.
Le seul personnage dont on est certain de l'innocence c'est l'enfant ("Thomas" comme le saint qui croit que ce qu'il voit) qui est victime de cette mère qui devient (malgré elle?) possessive; sa jeune vie et celle d'un détenu qui depuis sa naissance ignore ce que peut être une vie libre dans un décor naturel avec un vrai entourage famillial. Son seul terrain de jeu est jalonné de barreaux.
C'est après l'intérrogation de son fils en passant, en voiture, devant une prison pour femmes (U I 31) que TRAPEIRO dit: "je me suis senti coupable de ne pas m'être intéressé avant à cette réalité...Il m'a paru évident de faire ce film (LEONORA) dans ce cadre parce que mon personnage pouvait y apprendre à être mère et à survivre";
Pour complèter les réflexions des spectateurs il rajoute une seconde femme, incarnée par ELI MEDEIROS qui incarne la mère de la détenue (julia). Cette femme qui apprend quelle a un petit fils quitte la France où elle s'était expatriée ( sans chercher à aider sa fille), pour venir chercher le garçon, contre la volonté de sa fille.
Qui de la mère ou de sa fille est la plus détestable?; la quelle des deux rend le plus service au petit Thomas? C'est à ces réflexions que nous pousse le réalisateur dans nos retranchements. Et pour corser le tout, il complique la chose avec la sortie libre de l'amie de Julia ( pourquoi n'aide t-elle pas sa petite amie, encore détenue, à garder son fils?) Ce qui avec l'enlèvement de son enfant, provoque un rejet subit de la prison et en fait une lionne qui ne se soucie plus du tout de sa rédemption qu'elle semblait accepter lorsqu'elle était encore enceinte.
TAPERO essaie de ménager les émotions du spectateur afin que le combat de cette mère ( courage ?) ne lui fasse pas oublier tout le reste pour porter un jugement de valeur. Comme dirait ARAGON:
"Il n'est pas indifférent où un tableau terminé tombe, et quel décor le prolonge et l'achève. Il n'est pas indifférent pour un artiste de voir son oeuvre sur une place publique ou dans un boudoir, dans une cave ou dans la lumière, dans un musée ( une salle de cinéma) où à la foire aux puces".
Si votre réflexion se limite à savoir si Julia est innocente ou coupable des crimes dont on l'accuse, vous ressortirez forcement trés déçus.
*